Moulin à café, Jean Ducrollay

Moulin-à-café-Jean-Ducrollay
Jean DUCROLLAY, Moulin à café, 1756-1757, Or jaune, vert et rose, acier et ivoire, 9,50 cm ; 5,20 cm, OA 11950, Paris, Musée du Louvre. © RMN – Grand Palais / Daniel Arnaudet

 

   Sa rareté, son luxe et son appartenance à une figure marquante de l’histoire de l’art du XVIIIe siècle, à savoir Madame de Pompadour (1721-1764), sont trois aspects qui font de ce moulin à café une pièce exceptionnelle. Composé de trois ors différents (jaune, vert et rose), cet objet a été façonné par l’orfèvre et joaillier parisien Jean Ducrollay (v. 1708 – après 1776) et a appartenu à des collectionneurs importants, à l’image du baron de Rédé.

   Malgré sa petite taille, cette pièce est grande par ce qu’elle représente. Elle est un parfait exemple de l’art rocaille qui a marqué une grande partie du XVIIIe siècle, du lien qu’a entretenu Madame de Pompadour avec l’orfèvrerie et de cette mode du café qui s’est imposée durant ce siècle.

L’art du Rocaille dans l’orfèvrerie parisienne du XVIIIe siècle

   L’art rocaille s’est développé en France à partir des années 1730, avec notamment la publication de Juste-Aurèle Meissonnier, dans le Mercure de France, « Rocailles et de pittoresques ». Les rocailles sont la représentation des roches, coquillages et de ce que la nature peut offrir de plus riche. C’est un style qui se fonde sur l’animal et le végétal par des représentations très réalistes mais non proportionnées.

  Dans la vaisselle, il s’agit de lier des coquilles, un mouvement dans la pièce d’orfèvrerie, et surtout d’associer le contenant au contenu. Le tout est de comprendre la fonction de l’objet. Le moulin à café, de forme cylindrique, légèrement resserré au centre et composé de trois parties – la partie basse étant le réceptacle au café moulu –, en est le parfait exemple. Il représente de manière très réaliste des branches de caféiers.

Madame de Pompadour et l’orfèvrerie

   Dans le domaine de l’orfèvrerie, Madame de Pompadour est reconnue pour avoir possédé un grand nombre de pièces, décrites dans son inventaire après décès de 1764. Sa collection rassemblait des services d’argent, de vermeil, mais surtout d’or dont faisait partie ce moulin à café, unique témoin de cette riche collection aujourd’hui disparue.

   Livré par Lazare Duvaux, un marchand-mercier parisien, le 23 février 1756, le moulin a été fourni par Jean Ducrollay, un des orfèvres-joailliers les plus renommés de Paris à cette époque. Sa maîtrise obtenue en 1734, il obtint son brevet d’orfèvre-joaillier du roi en 1760 et 1763. Il livre entre 1751 et 1771 beaucoup de tabatières, vaisselles et bijoux aux administrations royales chargées des cadeaux diplomatiques. Le moulin est une représentation de l’évolution du style de l’artiste. D’un rocaille marqué au début de sa carrière, il évolue dans les années 1750 vers des formes plus sages.

La mode des services à café

   On « doit en pulvériser qu’autant et qu’au moment que l’on veut l’infuser : on se sert pour cet effet d’un petit moulin portatif, composé de deux ou trois pièces ; d’une gorge qui fait fonction de trémie, dans laquelle on met le café grillé, et qu’on bouche d’un couvercle percé d’un trou ; d’une noix dont l’arbre est soutenu et fixé dans le coffre ou le corps d’un moulin qui le cache, et dans lequel elle se meut sur elle-même : la partie du coffre qui correspond à la noix est de fer, et taillé en dents ; il y a au-dessous de la noix un coffret qui reçoit le caffé à mesure qu’il se moud… »[1]. Le moulin à café de Ducrollay, qui a préservé son mécanisme correspond parfaitement à cette description.

  La présence de cette définition dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert rend compte de ce succès qu’a connu cette boisson venue d’Orient au XVIIIe siècle. Arrivée à Paris après 1670, elle fut de suite appréciée à la Cour et à la ville.

[1] Diderot et d’Alembert, 1751-1781, t. II, p.528.

Laisser un commentaire