Le Sarcophage des époux

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Sarcophage, dit Sarcophage des époux. Cerveteri (nécropole de Banditaccia), vers 520 – 510 av. J.-C. © Musée du Louvre l Philippe Fuzeau

  La civilisation étrusque, qui s’était développée entre le VIIIe et le Ier siècle avant J.-C. sur le territoire de l’actuelle Toscane, fut une des plus riches du monde antique : elle a laissé des milliers d’objets précieux, bijoux en or, céramiques ornées de peintures – souvent importées de Grèce –, statuettes et miroirs en bronze, sarcophages en albâtre, que les puissants aristocrates étrusques déposaient dans leurs tombes, étalant leur faste au-delà de la mort. 

  Ce monument exceptionnel, sarcophage ou urne cinéraire figure les défunts tendrement enlacés, à demi étendus sur un lit dans l’attitude de banqueteurs, selon une mode née en Asie Mineure. Ceux-ci font le geste de l’offrande du parfum, un rituel qui caractérise, avec le partage du vin, la cérémonie funéraire.

   Le Sarcophage des époux a été trouvé en 1845 par le marquis Campana dans la nécropole de la Banditaccia à Cerveteri, l’antique Caere, qui était ornée de décor peint et pourvue de tout son mobilier.  Bien que le marquis ait collectionné de nombreuses œuvres étrusques, celle-ci constituait le fleuron de sa collection.

Une œuvre en terre cuite à l’identification incertaine…

  Acquis en 1861 par Napoléon III, ce monument a souvent été considéré comme un sarcophage en raison de ses dimensions exceptionnelles. Sa fonction demeure cependant incertaine, car l’inhumation et l’incinération se partageaient la faveur des Étrusques : il pourrait donc s’agir plutôt d’une grande urne destinée à contenir les cendres des défunts.

  À l’époque archaïque, la terre cuite est un des matériaux de prédilection des ateliers de Caere pour les monuments funéraires et les décors architecturaux. La ductilité de l’argile offre aux artisans de nombreuses possibilités permettant de pallier la pénurie de pierre adaptée à la sculpture, qui affecte cette région de l’Étrurie méridionale.

Un thème funéraire

  Ce thème des banqueteurs n’est pas une invention étrusque mais trouve son origine en Asie Mineure : les Étrusques, comme les Grecs avant eux, ont reçu de l’Orient la coutume de festoyer couchés et la façon conventionnelle de la représenter. Contrairement au monde grec où le banquet est réservé aux hommes, la femme étrusque, qui occupe une place importante dans la société, est représentée aux côtés de son époux, dans les mêmes proportions et dans une attitude similaire. Le couple est à demi allongé sur des coussins en forme d’outre qui évoquent le partage du vin, une cérémonie du rituel funéraire. La défunte, tendrement enlacée par son époux, verse dans la main de celui-ci quelques gouttes du parfum contenu sans doute dans un alabastre, elle accomplit ainsi le geste de l’offrande de parfum, autre composante essentielle du rituel des funérailles. Elle tient dans la main gauche un petit objet rond (peut-être une grenade, symbole d’immortalité).

Une influence de la Grèce de l’Est

  Le style du monument témoigne de l’influence qu’exercent les artistes de la Grèce de l’Est sur l’art étrusque, en particulier les Ioniens qui émigrent en grand nombre dans la seconde moitié du VIe siècle av. J.-C. Cuve et couvercle sont rehaussés d’une vive polychromie, aujourd’hui en partie disparue, qui ajoute au raffinement des parures de la femme, aux détails des tissus et des chevelures. Les visages souriants et les corps aux formes pleines s’inspirent également des productions ioniennes. Certains traits cependant sont propres à l’art étrusque, comme le désintérêt pour la cohérence et le volume des corps (surtout sensible dans le traitement des jambes) et la mise en valeur des gestes des défunts.

  Il est aisé de comprendre l’enthousiasme du marquis de Campana à la découverte de cette œuvre exceptionnelle. On n’en connaît  par ailleurs qu’un seul exemplaire analogue (musée de la Villa Giulia à Rome) qui témoigne également de la maîtrise atteinte par les sculpteurs de Cerveteri dans la sculpture en argile, à la fin du VIe siècle av. J.-C.

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