L’évolution des styles au XVIIIe siècle

Frise-chronologique-culturelle
Frise chronologique de l’évolution stylistique

   Parcourir du regard la vaste production artistique du XVIIIe siècle permet d’identifier une évolution stylistique, qui correspond principalement à une évolution de formes. Ce sont majoritairement les membres de la famille royale et les courtisans de la Cour qui donnent le ton en matière de changement stylistique et qui influencent par conséquent le goût des autres classes. Les artistes, pour obtenir un maximum de commandes, se conforment à ces nouvelles exigences. 

   Il est possible de classer en deux grandes catégories les évolutions de style de cette période : l’art rocaille – courbe, artifice et ambition décorative – et l’art néoclassique – Antiquité, sobriété des contours, moralité des sujets. Il faut cependant garder à l’esprit que cette distinction est arbitraire et que le XVIIIe siècle est aussi emblématique par sa diversité de goût, de pratiques et de modèles.

 

La fin du règne de Louis XIV

   Dans les années 1700, à la fin du règne de Louis XIV, un assouplissement des formes est sensible. Si en architecture, les formes sont plus légères, les lignes plus fantaisistes, le décor du mobilier se fait quant à lui plus gracieux et séduisant, bien que le cadre général reste assez sévère. La dorure s’impose peu à peu dans le mobilier, constante qui s’affirme au cours du XVIIIe siècle. De nouveaux meubles font leur apparition, tels le bureau à quatre pieds ou encore la commode.

 

Le style Régence

   Sur le plan artistique, la Régence est très productive : elle s’étend environ de 1715 à 1730. Après le krach de 1720, des fortunes soudaines et des ruines spectaculaires se produisent. La noblesse et les nouveaux riches meublent et décorent leurs intérieurs d’œuvres d’art et de décorations précieuses, tout en constituant de somptueuses collections.

   Il n’y a pas une rupture nette avec le style Louis XIV mais plutôt un esprit évolutif. Le style Régence gardent les volumes, la symétrie, la structure et la majesté du style Louis XIV mais non la rigueur. Si les formes galbées font leur apparition, les formes droites ne disparaissent pas pour autant : les deux coexistent. Les nouveautés résident essentiellement dans la recherche d’un répertoire ornemental nouveau. Les aménagements intérieurs privilégient les formes souples, arrondies et légères, convexes et concaves ainsi que les motifs rocailles. Les angles droits sont bannis et remplacés par des lignes chantournées en volutes. Quant aux meubles, la marqueterie d’écaille et de métal demeure, les bois exotiques se développent – symbole du goût pour l’Orient – et les bronzes deviennent récurrents. Le mobilier se veut de plus en plus confortable et s’adapte à ses nouveaux environnements : les pièces sont plus petites pour permettre une meilleure sociabilité et conversation, les délicates boiseries rehaussées d’or couvrent les murs et l’ornement triomphe jusqu’au plafond, créant ainsi une impression de richesse et d’élégance.

 

Le premier style Louis XV : le Rocaille

   Le règne de Louis XV est une époque riche pour les Arts décoratifs. Si le commerce avec les comptoirs d’Extrême-Orient suscite de nouvelles fortunes, il permet également l’importation de nombreux objets de luxe et de denrées exotiques sur le territoire français, nourrissant l’imagination des ébénistes et des ornemanistes. De nombreuses résidences meublées avec goût sont construites à la ville et à la campagne pour vivre agréablement et recevoir avec raffinement. De plus en plus, le sens de l’élégance remplace celui du faste.

   Le règne de Louis XV se divise en deux périodes stylistiques : le premier et le second style Louis XV.

   La production des intérieurs parisiens développée entre 1730-1750 est désignée sous le terme de « premier style Louis XV » ou de « style rocaille ». Les formes et le vocabulaire stylistiques de la Régence sont perpétués voire même amplifiés en  ce début de règne. L’emploi de la courbe, la disparition progressive de la symétrie au profit d’une ornementation riche et décorative ainsi que l’utilisation d’éléments naturels déformés sont les caractéristiques majeures de ce style. Les murs sont inondés par les motifs ornementaux et les tableaux sont relégués aux dessus-de-porte. La richesse et la préciosité du mobilier de cette période deviennent un modèle pour l’Europe en matière d’Arts décoratifs. Mais, dès 1745, ce style fait l’objet de nombreuses critiques : le goût pour les formes droites issues de l’Antique, notamment sous l’impulsion de Madame de Pompadour, se développe aussi bien en architecture que dans le mobilier.

 

Le second style Louis XV : le style Transition

   Petit à petit, une évolution de style se fait sentir : on passe du premier au second style Louis XV, qui s’apparente à un rocaille assagi. On appelle « transition » la période au cours de laquelle les ornemanistes et les ébénistes abandonnent peu à peu les sinuosités du style rocaille pour un retour à « l’antique », qui annonce déjà les lignes droites et épurées du style Louis XVI. Cette évolution est introduite en grande partie par la marquise de Pompadour, amie des arts et des lettres, et par son frère le marquis de Marigny. Tous deux ont des goûts plutôt « modernes » et apprécient peu les excès du style rocaille. Cochin publie également dans le Mercure de France, en 1754, « La supplication aux orfèvres, ciseleurs, sculpteurs en bois pour les appartements et autres », texte dans lequel il dénonce l’excessivité du Rocaille Après plusieurs années de chantournements, les commanditaires ont envie d’autre chose. Le déclic du changement a lieu un peu avant le milieu du siècle : en 1738 et 1748, les archéologues découvrent les ruines d’Herculanum et de Pompéi. Les décors et les éléments de style sont empruntés aux mobiliers antiques : les décors sont moins exubérants et les formes moins contournées. L’évolution vers cette simplification des formes et cette conception néoclassique ne se fait pas brusquement : il y a une coexistence entre ce nouveau mouvement stylistique et le style Rocaille.

 

Le style Louis XVI : le Néoclassicisme

   Vers la fin du siècle, la poursuite du second style Louis XV se fait plus poussée : c’est le triomphe du Néoclassicisme. Le retour à une apparente simplicité et le travail approfondi sur l’Antiquité sont de mise et atteignent leur apogée sous Louis XVI et Marie-Antoinette. La comtesse du Barry participe également fortement à la promotion de ce style. L’agencement mural est symbolisé par une nouvelle clarté néo-classique. L’ensemble du mobilier est conçu d’après les formes architecturales et ornementales de l’Antiquité, tout en privilégiant les lignes droites, les cannelures et les ornements en forme de volutes.

 

Le style Directoire

   Ce style marque la transition entre le style Louis XVI et le style Empire, c’est-à-dire qu’il recouvre la fin du règne de Louis XVI, la Révolution, la Convention, le Directoire et le début du Consulat. L’emploi de l’acajou se généralise dans le mobilier, dont la facture se fait plus sobre, les formes plus simples et les lignes plus sévères. Quant au répertoire ornemental, il abandonne les thèmes floraux et les scènes bucoliques si chers au XVIIIe siècle. La palmette stylisée, le cygne, la plaque striée ou encore le losange disposé en frise sont des motifs emblématiques. Si ce style puise son inspiration dans l’Antiquité, il s’inspire également des motifs égyptiens : les cariatides, les sphinx, les sphinges, les lions, les fleurs de lotus et les têtes de bélier. La Révolution et les campagnes militaires ont aussi un impacte sur le répertoire décoratif : des piques, des casques, des boucliers, des trophées militaires et des faisceaux de licteur.